enseignement public français en Allemagne

Entre l’ouverture sur la culture locale et la garantie d’un enseignement public français de qualité dans les établissements du réseau scolaire hors de France…

L’ouverture sur la culture locale fait la « richesse ajoutée » de nos établissements hors de France, par le recrutement de professionnels locaux, souvent de langue maternelle locale, l’apport de pédagogies renouvelées, le partage culturel, la mixité socioculturelle, l’apprentissage des langues qui est une composante essentielle.

Cette ouverture conditionne le soutien financier des communes concernées pour lesquelles les établissements comme le lycée Victor Hugo de Francfort (en gestion directe), le lycée français de Düsseldorf (en gestion parentale), le lycée Saint-Exupéry à Hambourg (en gestion parentale), le Collège Voltaire à Berlin (en gestion directe), l’école de Gaulle-Adenauer à Bonn (en gestion parentale), sont des atouts. À ce titre, les subventions locales, plus connues sous l’appellation d’Ersatzschule, sont des voies d’exploration communes franco-allemandes.

À ce point on remarque donc que si l’ouverture est, dans sa finalité, une exigence complémentaire de qualité, cette dernière dépend essentiellement du maintien de l’action publique en la matière ; c’est la pierre angulaire. Or, si la subvention d’État de 410 millions d’euros au réseau est stable pour les trois prochaines années, parallèlement les charges des établissements augmentent, ne serait-ce que le financement par ces derniers des pensions civiles et de leurs projets immobiliers. Un coup de rabot sur les budgets en 2012 n’est pas à exclure.

Pour ce qui concerne les personnels enseignants, auxquels on pense quand on parle de qualité, il faudrait que le taux de présence des titulaires de l’Éducation nationale de 50 % (1128 expatriés, 5334 résidents) dans le réseau soit maintenu, c’est la première marque d’excellence. On constate que c’est justement par l’excellence que le réseau aime à se définir, ce qui est normal. Or aujourd’hui ce taux est menacé par un contexte budgétaire extrêmement difficile.

Ce sont les établissements et donc les familles qui participent à hauteur de 133 M€ à la rémunération des personnels résidents et assument l’intégralité de la charge des recrutés locaux qui sont près de 4000 dans les seuls EGD, plus de 12000 dans l’ensemble du réseau.
Presque partout, pour faire face à ces nouvelles charges, les frais de scolarité augmentent, les établissements doivent payer à l’Agence une contribution annuelle des 6 % (en augmentation de 8% par rapport à 2010). L’AEFE, il faut le dire, doit faire face à une situation financière sans précédent pour la gestion des personnels détachés et la règle dite du « plafond d’emplois » qui lui est imposée, entrave l’évolution de son réseau, empêchant le recrutement de nouveaux résidents. Ces contraintes touchent à la substance, les personnels de direction et les équipes pédagogiques en sont bien conscients.

Quand on évoque la participation de l’État, la qualité et l’avenir du réseau doivent s’apprécier également à la lumière des mesures d’aide à la scolarité qui ont un impact majeur. Ainsi la prise en charge (PEC) instituée en 2007/08. Participe-t-elle à l’ouverture voulue ? Non puisqu’elle s’adresse – comme les bourses – aux seuls élèves français, mais, à la différence des bourses, sans critères sociaux. Le revenu des familles n’est pas pris en compte, ce qui ne laisse pas d’inquiéter quant à la justice sociale de ce dispositif non réfléchi au départ. Cela peut mettre la mixité en question car la PEC, d’un certain point de vue, rajoute de l’inégalité entre les familles. Ainsi, les familles allemandes ou de pays tiers financent elles « plein pot » nos établissements par les frais de scolarité. Or, pas d’ouverture sans mixité, pas de mixité sans égalité de traitement !

Au terme de longues discussions, le ministère a décidé cette année d’instituer un « plafonnement simple », c-a-d. au seul niveau des frais de scolarité de l’année scolaire 2007/08 (pour les trois classes du lycée Victor Hugo : 4310 € cette rentrée, comme en 2010, contre 3840 € en 2007/08, soit un différentiel de 470 €, pour les mêmes classes du lycée français de Düsseldorf : 5952 € cette rentrée, + 10 % par rapport à 2010-2011, soit un différentiel sur 4 ans de près de 1350 €). Il n’y a bien pour l’instant qu’au lycée Saint-Exupéry que les frais aient baissé pour les familles à 1670 € pour 2011-2012.
La PEC ne couvre donc plus intégralement ces frais qui reviennent à la charge des familles (décret du 9 mai). Le plafonnement simple est donc une première réponse à une dérive des dépenses, c’est un choix budgétaire modéré pour tenter de réguler une mesure assez coûteuse. L’année 2012 pourrait laisser apparaître un manque de quelque 15 millions d’euros pour les bourses et la PEC. Espérons que ce ne sera pas le cas.

Sur le plan global, le dispositif des aides à la scolarité (bourses et PEC) s’accroît en 2011 de 5,9 % en nombre et de 12 % en volume, ce qui confirme l’attractivité du réseau et indique surtout des besoins toujours plus importants, besoins qui risquent de confronter l’Agence à des défis sérieux de financement, notamment avec la baisse annoncée de la subvention d’État du programme « 151 » consacré à cette enveloppe.

On le voit bien, la qualité de l’enseignement public, tout comme l’ouverture, dépendent directement de la volonté de mieux faire pour préserver le réseau et lui donner de meilleures chances de se développer sur des objectifs clairs, avec des budgets solides, mais il y a parfois loin de la coupe aux lèvres.