Réseau scolaire français hors de France et Crise du Covid-19 : Comment s’en sortir ?

Le Covid-19 frappe le monde entier. Près de 520 établissements scolaires français dans le monde sont fermés depuis le début de la crise, à commencer par la Chine en janvier, suivie par presque tous mi-mars. La date de réouverture est encore incertaine puisque la pandémie évolue et que tous les pays sont touchés graduellement avec plus ou moins de gravité. Les cours à distance (depuis le domicile des familles) sont en grande partie assurés selon le principe de la « continuité pédagogique », par l’utilisation des manuels scolaires et des nouveaux médias, avec tutorats en ligne,… Pour les maternelles cette continuité a ses limites.

Les établissements scolaires français hors de France étant payants – c’est le cas de l’École Voltaire à Berlin et du Lycée Saint-Exupéry de Hambourg – les familles doivent toujours s’acquitter des frais de scolarité. Pour le troisième trimestre de l’année scolaire cependant, l’impact économique de cette crise sanitaire pourrait mettre les familles dans de sérieuses difficultés. En effet, si des familles voient leurs revenus diminuer ou au pire disparaitre, comment pourront-elles payer les frais de scolarité du dernier trimestre ? Et pourront-elles réinscrire leurs enfants à la rentrée de septembre ? Or le maintien des effectifs d’élèves est garant de la survie du réseau scolaire. Toutes les familles peuvent être concernées, françaises et non françaises.

Dans l’immédiat, un échelonnement du paiement des frais de scolarité du dernier trimestre serait sans doute nécessaire pour toutes les familles en difficulté mais il serait certainement insuffisant. Les établissements pourraient également renoncer à percevoir ces frais mais cela affecterait directement leur trésorerie et mettrait à terme les personnels en recrutement local en danger.

Pour certaines familles françaises boursières actuellement il faudrait des bourses exceptionnelles. À Berlin, le consulat a déjà demandé aux familles ayant déposé leur dossier de demande de bourse en février pour la rentrée de septembre de se faire connaitre si leur situation économique se détériore.

Mais comment fonctionnent les bourses ? Les bourses de l’État français attribuées sur critères sociaux, obéissent à des règles administratives et budgétaires strictes. Les consulats instruisent les dossiers selon un barème, se concertent avec l’Agence pour l’Enseignement français à l’étranger à Paris, et organisent localement deux réunions annuelles du Conseil consulaire des Bourses. Le CCB est une instance collégiale qui réunit consuls, élus consulaires, établissements, enseignants, parents d’élèves et associations d’utilité publique, étudie les dossiers et propose donc des bourses. Ces propositions sont ensuite soumises à l’Aefe à Paris qui les confirme ou les modifie, après discussion au sein de la Commission Nationale des Bourses, dont je suis membre depuis 2015. Pour la prochaine année scolaire il est à craindre que les bourses demandées par les familles avant le début de la crise sanitaire ne correspondront plus forcément à leur situation actuelle et ne leur permettront pas de faire face si ces bourses ne couvrent que partiellement les frais de scolarité.

Les instruments techniques sont là mais une prise en compte de tous ces besoins ne sera évidemment possible qu’avec un budget supplémentaire dans le cadre des Conseils consulaires des bourses et avec plus de souplesse dans les procédures d’instruction des demandes. Pour autoriser des fonds seul le gouvernement peut agir en proposant au Parlement un projet de loi de finance rectificatif. Actuellement, des réunions de consultation se multiplient à Paris entre ministres, parlementaires et associations des Français de l’étranger, mais, à part les reports de calendriers, il n’y a toujours rien de concret, vraiment. La décision appartient au ministère des Finances et au ministère des Affaires étrangères en France afin que les milliards d’aides exceptionnelles qui sont promises en métropole pour différents secteurs puissent aussi s’appliquer pour les familles concernées de nos établissements hors de France, et comme toute décision coûteuse, elle se fait attendre. Or la France aurait intérêt à décider sans tergiverser pour rassurer nos communautés scolaires et l’ensemble du réseau ! On parle de rallonges budgétaires significatives sur le budget de l’État pour alléger les charges de quelque 520 établissements dans le monde dont certains, aux États-Unis par exemple, facturent 25 000 ou 30 000 $ par an et par enfant aux familles… Les bourses représentent une réponse, mais il y va aussi de la préservation de nos écoles, et là si on n’a pas non plus une idée complète des dommages économiques et de l’ampleur des crédits nécessaires pour assurer l’avenir du réseau scolaire à l’étranger on peut juste observer qu’il faudra des gestes forts, très forts, et vite !

Philippe Loiseau, 7 avril 2020