Mon 22 janvier 2013, jour anniversaire du Traité de l’Élysée

Nous aurons tous et toutes vécu à notre façon les journées de commémoration du 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée. La plupart d’entre nous n’avait pas trop le choix. Ils auront regardé les directs ou les retransmissions à la télé. C’est là une gageure que de laisser encore une fois les seuls représentants représenter aux cérémonies et cocktails, les “happyfew”, les invités triés sur le volet faire leurs dévotions mondaines.

Pour ma part, petit représentant local représentant au mieux et faisant depuis quatre ans mon possible pour faire partie de ces cercles quand j’estime qu’ils sont républicains (la lutte est difficile), je peux donc témoigner de mon 22 janvier 2013.

La visite à Berlin de la ministre déléguée aux Français de l’étranger a duré deux jours complets, des rendez-vous de travail, des entretiens avec les services, les associations françaises, ont garni mon agenda puisqu’Hélène Conway m’avait invité à rejoindre sa délégation ce qui a dû en surprendre quelques-uns à la Pariserplatz pourtant si à cheval sur le protocole.

L’invitation reçue du ministère allemand des Affaires étrangères au nom du Président fédéral pour assister au concert donné à la Philharmonie à 17h15 et à la réception qui devait suivre m’était parvenue en temps utile mais tout le petit monde des représentants n’en était pas destinataire. Les mystères du protocole et des listes nominales passant de service en service sans garantie d’actualisation avaient eu raison du principe de réalité et d’équité. Par ici, une personne par association, par là, deux personnes, par ici, un couple chic venu de loin, par là des quidams sans leur conjoint…“C’est vraiment trop injuste”, dirait Dr. Caliméro sous sa coquille ! Être sur place avant 15h30, comme l’exigeait l’invitation, nous privait de tout autre spectacle mais nous a permis de rencontrer de nombreuses personnes et de lier de nouveaux contacts autour d’un verre, notamment avec la veuve Cliquot.

Si l’organisation et la logistique d’accueil de plus de 2000 personnes ont été de grande qualité, la palme de la souplesse revient contre toute attente au service d’ordre puisqu’on pouvait librement circuler dans les travées du bloc C au bloc A ou au bloc B de la grande salle. Ainsi ne me suis-je pas gêné pour “débloquer” et saluer dans les premiers arrivants du Reichstag quelques députés français connus qui cherchaient lentement leur place, le bourgmestre de Berlin, le vice-président du Bundestag Thierse (salué en souabe), Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (ouf ! je voulais absolument placer ce nom) mais surtout saluer Christiane Taubira et la féliciter pour l’ardeur qu’elle met au projet de loi du mariage pour tous. Sachez qu’elle est prête à affronter deux semaines complètes de débats avant le vote : “Il faudra deux semaines et deux week-end, alors j’ai réservé deux semaines et deux week-end, ça passera !”. Catherine Trautmann, Najat Vallaud-Belkacem, Marisol Touraine, Manuel Valls, Patrick Bloche, tous avaient le temps de me parler une fois que je les avais abordés. Je n’ai pas manqué de les encourager à revenir nous voir. Ayant aperçu de loin Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant et d’autres dinosauriens, j’ai regagné ma place pour attendre l’entrée des chefs d’État et de la chancelière. Le concert proposant l’ouverture d’Egmont de Beethoven et la magnifique symphonie n°3 de Saint-Saëns pouvait commencer et se terminer par l’Ode à la joie, version Karajan, concert qui fut précédé du discours simple et touchant de Joachim Gauck. L’élection de ce président est un bonheur pour la république fédérale.

Voir des travées vides près des quelque 300 jeunes présents, au moins 100 places restèrent inoccupées, laisse des regrets quand tant de personnes auraient pu vivre cet évènement franco-allemand. Certains avaient-ils renoncé en raison des intempéries au demeurant prévisibles ? Ce sont des choses que l’on doit prévoir quand on signe des traités en janvier !

Vers 19h15, le public allait redescendre, représentants d’en haut et représentants à mi-chemin se mêlaient joyeusement par affinités, presque comme si le projet de loi de Taubira avait déjà été adopté des deux côtés  du Rhin. Mais l’appel au haut-parleur des députés français à rejoindre leurs autobus et leurs avions vida et amusa les galeries. Leur programme avait été complètement cadré et ils ne s’attarderaient donc pas. Pris en charge comme des écoliers ils partirent d’un coup comme des voleurs. Nous n’en sommes pas revenus. Pourquoi une telle précipitation ? Certes ils avaient pu apprécier la réunion commune au Reichstag deux heures auparavant, les discours un peu longuets des uns et des autres et rire, enfin, à l’évocation du Frühstück de nos tristes tropiques hexagonaux. Merci Gregor !

Dans la foule se dispersant, les essaims des photographes et des protections rapprochées j’ai même serré la main de François Hollande en encourageant car “il y a encore pas mal de boulot”, ce qu’il m’a, lui, président de la république, aussitôt confirmé, l’œil toujours espiègle et vif.

Tout comme notre député Pierre-Yves Le Borgn’ qui prolongeait son séjour en habitué, les sénateurs sont résistants et éprouvés. Richard Yung et Claudine Lepage, nos représentants bien connus, prirent le temps d’échanger avec la présidente de Français du monde-adfe Berlin et quelques citoyens engagés dans des associations songeant sans doute à revenir dès que possible car il fait bon vivre dans ce pays. On les en remercie et on les attend dans un cadre moins coûteux et moins solennel.

France – Cumul des mandats : Arrêtons !

Le cumul de mandats vise les parlementaires français qui exercent conjointement un mandat « exécutif local » tel que président d’un conseil régional, d’un conseil général, maire d’une commune ou président d’une intercommunalité.

Or, si bien entendu personne ne songe à empêcher nos parlementaires d’avoir une expérience politique dans l’exercice de mandats locaux, je pense qu’ils devraient tous s’en tenir à les avoir exercés en y renonçant dès leur élection comme député, député européen ou sénateur.

Pourquoi ? Pour en finir avec cette tradition devenue une dérive antidémocratique qui singularise notre pays.

À quoi sert donc un mandat local ? En général cet apprentissage de la démocratie de proximité correspond aux tâches les plus exaltantes au service de nos concitoyens : Après avoir été conseiller municipal, conseiller général ou régional lui-même, un maire, un président de collectivité territoriale a appris à gérer des budgets importants, du personnel. Il agit concrètement au quotidien. Il est en relation intense avec ses équipes d’élus, avec ce qu’on appelle les forces vives et la société civile, les associations, avec ses administrés et avec les représentants déconcentrés de l’État. Un élu local avec des responsabilités est en réflexion et en action permanentes, principalement du fait des lois de décentralisation. Il a souvent dû quitter son emploi pour exercer son mandat.

Le mandat de parlementaire est, lui, tout aussi lourd mais sur un autre plan, le plan législatif évidemment. Il requiert une attention politique, de la présence au parlement. Le parlementaire représente la nation et il devrait s’y consacrer à plein temps, ce serait plus honorable et plus respectueux pour la nation. Un parlementaire peut très bien, s’il le souhaite, conserver son mandat de conseiller municipal, de conseiller général ou régional. Certains d’entre eux, sans cumul, restent attachés à leur territoire ou à leur ville en y effectuant tout simplement leur travail de parlementaire, en accompagnant les plus jeunes élus, celles ou ceux qui leur auront succédé, dans les visites d’usines, les tournées cantonales ou dans les quartiers. Ils peuvent les soutenir, les faire bénéficier de leur expérience.

En quoi le parlementaire serait-il de facto privé d’attaches démocratiques s’il s’est séparé de ses mandats exécutifs locaux puisqu’il est toujours élu d’un territoire ? Ce territoire est appelé circonscription et compte parfois jusqu’à 150 communes, 10 ou 15 cantons. Il est fréquemment élu sur sa notoriété locale. En quoi le député-maire ou le sénateur-président du conseil général serait-il plus légitime et plus efficace sur le terrain ? Parce qu’il n’aurait pas à partager l’information ?  Qu’il ferait questions et réponses… en promettant de se concerter avec lui-même ?

Est-ce un modèle très vertueux de démocratie représentative ?

Quelle logique plus implacable que celle de céder – une fois devenu parlementaire – ses mandats exécutifs locaux, soit au suivant de liste soit en provoquant une élection partielle ? C’est un comportement sain dans une démocratie digne de ce nom.

Que constate-on ? Le cumul de mandats et également le cumul de mandats successifs dans le temps pourrissent nos institutions. Les cumulards, souvent des hommes… et souvent des hommes d’âge mûr d’ailleurs, déclarent entretenir des liens indéfectibles et nécessaires avec le terrain qui les a façonnés, promus puis élus pour des raisons de cohérence et de maintien de leur influence. Au Sénat notamment, le mode de scrutin angoisse les sénateurs. Et si le nouveau candidat n’était pas à la hauteur pour cajoler et convaincre les grands électeurs ? À les en croire, il en irait presque de la survie de l’espèce…

Ces arguments sont indéfendables dans le monde d’aujourd’hui car ils conduisent aux pires travers : absentéisme, prébendes, travail superficiel, conflits d’intérêts, incompréhension culturelle des élus d’Europe (qui travaillent bien, eux, avec un seul mandat), personnalisation à outrance, manque de renouvellement sociologique ou générationnel, confusion des genres… et, pour les proches, la chaise vide.

Pour moi, mais je peux me tromper n’ayant pas cette expertise (j’exerce un seul mandat, depuis trois ans), le cumulard est un grand zappeur qui s’isole dans sa bulle de pouvoir, dans sa voiture de fonction, dans ses parapheurs et ses secrétariats. Dans son cumul, il se déconnecte davantage qu’il ne se ressource.

Comment le maire d’une grande ville ou le président d’une région ou d’un département – de surcroit à l’heure où chacun s’oblige à être continuellement accessible par téléphone mobile – peut-il sérieusement assurer ses charges de travail simultanément avec la fonction de parlementaire qui doit siéger en commissions, suivre tout le processus d’élaboration de la loi, assurer le contrôle du gouvernement. Le conflit d’intérêt menace. Prenons un exemple : Comment un député-maire peut-il, le lundi comme député, participer à des missions parlementaires visant à installer dans la ville dont il est maire un organisme important ou au contraire à travailler à son démantèlement et le mardi céder en tant que maire le terrain pour la construction de l’immeuble qui l’abritera ? Des cas sont connus, des cas plutôt révoltants.

Souvent inavouées parce qu’elles dérangent leurs bénéficiaires, les questions financières incommodent les citoyens. On ne s’enrichit guère en politique, c’est un fait. Mais amasser différentes indemnités même écrêtées est indécent. Certes le parlementaire peut faire profiter le parti dont il est membre de certaines largesses ou graisser la patte à droite et à gauche dans sa circonscription mais cela pourrait se faire sans cumul, d’autres élus pouvant agir de même. Le trésor public gagnerait cependant à ce qu’on interdise le cumul d’indemnités. Les élus concernés voudraient-ils persévérer ?

Et quelle compassion avoir avec ce sénateur-président de conseil général assumé qui se plaint d’être obligé le samedi d’aller couper le ruban de la foire-expo, de passer au tournoi de rugby, à la fête des crêpes, au ban des vendanges et au banquet des anciens alors que son assistant parlementaire lui organise un programme similaire pour le dimanche car le département est grand, encore plus que la circonscription et… sa présence y est indispensable ?

Le cumul est une maladie française, bien de chez nous et ce n’est même pas un produit d’export, dommage pour notre balance commerciale !

Faut-il rappeler à ces professionnels de la politique, ceux pour qui elle semble devenue un « métier », que personne n’est propriétaire de ses voix, qu’on n’est pas élu pour attendre la retraite ! Ah, oui c’est vrai, un parlementaire peut perdre son mandat, son retour dans la vie « active » (!) serait donc adouci ou évité s’il pouvait au moins réinvestir son mandat exécutif local, pour le bien commun assurément. La politique a horreur du vide.